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Collège F.Mitterrand de Thérouanne
     
 
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.: EROA :.

 Exposition EROA (Espace Rencontre avec l'Oeuvre d'Art) :
Jeu de dupe
.

Présentation par Mme. Gaétane LHEUREUX, professeur d'Arts Plastiques    

   L'idée était de réunir une œuvre ancienne et une œuvre contemporaine autour de la question du trompe l’œil, de les laisser « dialoguer », et de constater les spécificités techniques liées à leur époque.

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   Nous voulions aussi emprunter dans une collection Proche (celle du musée de l'hôtel Sandelin de Saint-Omer) qui nous accueille régulièrement pour des visites ateliers passionnantes.

Nous étions encore la semaine dernière avec deux classes de 3e pour découvrir les métiers du musée , et pour découvrir en avant-première le trompe l'œil du XVIIème siècle de Jean François de le Motte.
   
Parallèlement à ce tableau , nous voulions présenter une œuvre et un artiste contemporain qui travaille le trompe l'œil avec des outils de son époque, nous avons choisi Nicolas Tourte, un artiste Lillois.

   Les questionnements autour des deux œuvres accueillies vont bien plus loin que les seules considérations « techniques ».
   Le choix de l'installation vidéo de Nicolas Tourte : Mise à jour (homo disparitus) a été guidé par la problématique choisie pour l'enseignement d'Histoire des Arts en classe de 3e : "je rêvais d'un autre monde" (qui sous-entend la question de l'engagement écologique de l'artiste).

    Le travail de Nicolas Tourte donne souvent à voir, un plaisir d'enfance : des émotions d'explorateur de l'infiniment grand à l'infiniment petit (David Barbage), mais il s'interroge aussi souvent sur la place de l'homme dans tout cela. En ce sens, son œuvre nous amène à nous interroger sur notre société, et ses dérives.
Le dispositif mis en place au collège s'inspire de l'ouvrage éponyme d'Alan Weisman : Homo disparitus. Dans cet essai, l'auteur, bien inspiré par les catastrophes récentes et autres prédictions concernant 2012, part du précepte suivant :

« Admettons que le pire soit arrivé, et voyons ce qu'il reste »

ou plus simplement, si l'espèce humaine venait à disparaître, comment évolueraient les restes de notre civilisation : La nature reprendrait-elle ses droits ? Combien de temps lui faudrait-il pour retrouver son apparence d’antan, avant l'ère industrielle ? Qu'adviendrait-il des réacteurs de nos centrales ? Quels animaux prospéreraient et quelles races s'éteindraient ?...

   Dans son installation vidéo, minutieusement installée pour s'adapter au plafond de la salle 17, Nicolas Tourte nous invite à voyager virtuellement dans le temps, à contempler les ruines du bâtiment dans lequel nous vivons. Il nous propose de nous asseoir ou ne de nous allonger pour contempler et méditer sur la beauté inquiétante de ce plafond délabré.

Que s'est-il passé, pourquoi ce chaos dans le ciel ?

    Chacun trouvera la réponse qu'il veut.

A Thérouanne, son travail interroge notre présent mais réveille aussi l'histoire ancienne :

et Thérouanne fut détruite :

   C'est ainsi que Mme Heduy, grâce à l'aide précieuse de M. le Maire que nous remercions, nous relate au travers de son travail documentaire le siège et la disparition de l'ancienne Thérouanne.
Thérouanne est encore un de ces lieux détruits par la folie des hommes.
Thérouanne, ancienne enclave française en territoire espagnol,
Thérouanne qui comptait une grande cathédrale, deux églises paroissiales et plusieurs couvents et abbayes fut rasée sur ordre de Charles Quint, un jour qu'il faisait la guerre au roi de France.
Les maisons furent détruites pierre à pierre, les gens instamment priés de déguerpir. Ce fut si bien fait que les archéologues peinent à tirer parti des fouilles récentes ; sur ce qui restait, on répandit du sel pour que jamais plus rien ne pût pousser. C'est seulement au XIXe siècle que des gens du Pas de Calais y revinrent, pour reformer un embryon de bourgade, près de ce qui fut une brillante citadelle médiévale.

   Ce thème de l'objet sera aussi au cœur de notre réflexion avec les élèves. Magnifiquement mis en valeur dans le tableau de De le Motte, au XVIIème siècle, l'objet était alors au cœur des préoccupations des artistes flamands qui lui rendait hommage au travers de magnifiques natures mortes. On retrouve dans celle exposée ici, quantité d'écrits qui témoignent du goût pour l'épistolaire au 17ème siècle.
   Il était habituel aussi à l'époque de fixer sur le mur quelques planches de sapin sur lesquelles on clouait des rubans ou des lanières servant à contenir des lettres, documents, dessins et menus objets dans un désordre pittoresque. C'est le début des cabinets de curiosité, ancêtres de nos musées. Cet « arrangement » a été repris de nombreuses fois dans des trompes-l’œil, car il constituait un sujet idéal.


   Cette mise en scène – que l’on appelle quod libet – permettait de restreindre le champ perspectif, de représenter des dessins et des gravures, des documents et des lettres qui demandent au spectateur toute l’attention pour arriver à les déchiffrer. Le peintre joue avec le spectateur, guide le regard, donne à lire puis dissimule les écrits sous d'autres objets. Il joue avec nos nerfs, laissant certains éléments comme au bord de la chute. Et il joue avec notre perception, cherchant à donner l'illusion de vrais objets, par un subtil jeu de détails, d'ombres et de lumières, de sorties du cadre lui-même peint en trompe l’œil. En représentant ces objets si minutieusement, l’artiste pouvait démontrer sa virtuosité, il pouvait aussi, glisser quelques informations sur les documents représentés. Une date, le nom du commanditaire.
   Ces quod libet, (d'une expression figée latine à double sens signifiant "n'importe quoi" littéralement : "tout ce qui plaira", mais aussi « qu'est-ce que tu lis ? ») avec leur désordre, leurs papiers froissés et déchirés ont toujours une histoire à raconter et ils évoquent souvent une pensée moralisatrice, celle de la « vanité » du savoir et celle de la précarité des objets qui se dégradent et se déchirent.
   Dans son tableau, Jean François glisse un almanach, qui marque le passage du temps. Le ruban tient aussi en équilibre une enveloppe au cachet déchiré et la lettre qu'elle contenait. Ailleurs, quantité d'écrits, de feuillets, mais aussi 3 plumes d'écriture dont une cassée sont représentés avec force minutie. Ils sont le signe du passage inexorable et menaçant du temps, autant d’éléments soulignant la symbolique de la « Vanité » presque omniprésente dans les trompe-l’œil du passé.
   Le message est de méditer sur la nature passagère et vaine (d’où « vanité ») de la vie humaine, l’inutilité des plaisirs du monde face à la mort qui guette. Dans la partie inférieure, une estampe écornée représentant un paysage est fixée à la planche par un cachet rouge. Suggère-t-elle la persistance de la nature face à la dégradation et à la disparition des hommes et de leurs objets ?

   Plus que de réfléchir à la vanité de l'existence humaine, à sa nature éphémère cette exposition va nous permettre de réfléchir à l'impact de notre passage sur la terre , à l'héritage que nous allons laisser aux générations futures, et ce en rapport avec les objets que nous utilisons quotidiennement au collège ou chez nous. Si les objets quotidiens du passés, souvent conçus pour durer, ont parfois du mal à traverser les temps pour parvenir jusque nous, les objets actuels jetables qui paraissent dérisoires et sans intérêt, n'auront aucun mal à traverser les siècles voire les millénaires : quelle image laisserons-nous alors de notre époque ?

Quelques images du nombreux public venu découvrir cette exposition.

EROA 2008, 2009, 2011


Raymond Gembarski